« Existe
t'il près d'ici quelque indigène habile à interpréter le chant
des oiseaux? »
(Eschyle,
Les Suppliantes)
SHAHRZAD
JOUE ET GAGNE
Pièce
de Théâtre en V actes qui peut aussi se jouer sous forme d'une
petite trilogie :
VENEZ
DONC FAIRE UN TOUR SUR MON TAPIS VOLANT
LES
NAUFRAGES D'ORMUZ
LE
DESERT DE GEDROSIE
TEHERAN
FREUDA,
LAGRENOUILLE SAVANTE DE BAGDAD
(les
actes 1, 2-3-4, 5 peuvent se jouer sous forme de trois petites pièces
séparées)
(C)
Ivano Ghirardini, tous droits réservés, 2008
ACTE
I
VENEZ
DONC FAIRE UN TOUR SUR MON TAPIS VOLANT
<SHEHERAZADE>
<LE PRINCE> <ALI> <LE MARCHAND> <LE CHŒUR
Blanc> <LE CORYPHÉE> < LE CHŒUR noir> <LE VIEUX
SAGE>
Bagdad,
Shahzad s'initie aux voyages en tapis volant et s'envole pour les
hautes montagnes d'Iran...
<SHEHERAZADE>
"quoi,
c'est donc là ce tapis merveilleux dont vous nous dites, mon prince,
qu'il peut voler. Il ressemble plus à je ne sais quel paillasson
pour chien devant une porte d'entrée qu'à un tapis volant. Vous
moquez vous, mon cher?"
<LE
PRINCE>
"Non,
pas du tout, ma douce, ma très chère, pas du tout. Je l'ai acheté
très cher à un Mage de Bagdad qui m'a assuré qu'il volait fort
bien. Une pièce rare qui m'a coûté une fortune. Mais que ne ferais
je pas pour vous faire plaisir. Vous savez combien je vous aime".
<SHEHERAZADE>
"Est
ce moi que vous aimez tant, ou bien mes histoires dont vous ne pouvez
vous passer, le soir, alors que votre tendre épouse dévouée
aimerait bien autre chose de son époux."
<LE
PRINCE>
"Oui,
je sais, je suis devenu impotent avec l'âge, mais votre présence me
comble de bonheur. Ne vous ai-je pas en plus offert Ali, pour me
remplacer, là où je ne puis plus vous satisfaire. Tiens justement
le voilà, ce fourbe, cette canaille qui vous plaît tant."
<ALI>
"
Bonjour mon Prince et ma Maîtresse, quelle belle journée, vous ne
trouvez pas?"
<SHEHERAZADE>
"justement
mon cher Ali, nous parlions de toi. Le Prince vient de m'offrir ce
cadeau inestimable, ce tapis que vous voyez ici, et dont on m'assure
qu'il peut voler. Allons, partons l'essayer tout de suite. Allons
raser les minarets de Bagdad et faire taire ce muezzin qui nous rompt
les oreilles depuis ce matin avec son appel à je ne sais quelle
prière.
<ALI>
"Vous
ne devriez pas parler ainsi ma princesse, et puis tout compte fait,
ce tapis ne me rassure pas du tout. Je crois que je devrais aller
ratisser vos jardins".
<SHEHERAZADE>
"Vous
saviez bien que mes ordres ne se discutent pas. Allons asseyez vous
et taisez vous. bisous, mon Prince, et à ce soir. Je vous
raconterais notre voyage."
<ALI>
à mi voix pour lui même
"Ma
maîtresse est folle. Mais elle est si belle. Où veut elle donc
m'emmener cette fois. Espérons que nous n'allons pas nous fracasser
sur le Bazar endormi".
<SHEHERAZADE>
"Comment
faire décoller cette paillasse dont aucun chien ne voudrait. Tenez
vous bien mon cher Ali. A mes hanches, pas à mes seins, pauvre
idiot! On ne sait jamais, des fois que nous finissions dans les eaux
froides du Tigre. Bon, si je me souviens, ce tapis devrait obéir à
ma pensée. Voyons, voyons, où aller pour ce premier voyage ?
Les montagnes d'Iran...oui, cela me semble bien. Peut être
surprendrons nous quelque sage à qui nous pourrions demander notre
route?"
<ALI>
"Mince,
damnation, voici bien que nous montons dans les airs ! Aucun filet,
aucune rembarre, je suis déjà mort de trouille. Et avec les cheveux
de Shéhérazade qui volent en tout sens, je n'y vois rien."
<SHEHERAZADE>
"Pouvez
vous vous taire un instant, et cesser de me serrer les hanches si
fort, vous me déconcentrez. Voilà, ce tapis magique fait exactement
ce que je veux. Il va bien là où mon esprit le désire. Accrochez
vous, mon tendre Ali, il est temps d'accélérer si nous voulons être
rentrés pour ce soir. "
<ALI>
"
oui, c'est vraiment extraordinaire ! nous dominons le monde !"
<SHEHERAZADE>
"
Il est dit dans les livres sacrés des Indes que pour atteindre la
sagesse il faut que notre esprit soit comme l'aigle, qu'il puisse
voler au dessus des cimes majestueuses de l'Himalaya."
<ALI>
"Maîtresse,
ma douce princesse, si nous faisions une pose. Voyez vous ce petit
village là bas, sur la droite, nous pourrions nous arrêter et nous
sustenter un peu. Nous avons déjà fait un si long chemin."
<SHEHERAZADE>
"Oui,
bonne idée, à force d'être assise sur ce tapis magique, j'éprouve
le besoin de me dégourdir les jambes. Mais restons des visiteurs
discrets et demandons aussi notre route. Voilà, je vais me poser un
peu à l'écart. Nous ferons le reste à pieds."
<ALI>
"C'est
vraiment magnifique par ici, les campagnes semblent bien entretenues,
avec plein de petits canaux d'irrigation. Vous avez vu comme ces
peupliers et ces abricotiers sont vigoureux. Les hommes doivent être
sages et paisibles par ici."
<SHEHERAZADE>
"oui,
j'adore cet endroit. L'air est si pur."
<ALI>
"Bonjour,
pourrions nous boire un café dans votre échoppe?"
<LE
MARCHAND>
"Non,
mes braves visiteurs, mais un bol de soupe chaude avec du pain, cela
oui. D'où venez vous donc. je ne vous ai jamais vu par ici."
<SHEHERAZADE>
"Nous
venons du pays où tous les rêves sont permis"
<LE
CHŒUR Blanc>
"Vers
quelles aventures veut encore nous conduire la si belle et douce
Shéhérazade, la femme aux fines chevilles aux pieds toujours
dansants? Devons nous la suivre sans crainte? Les dieux lui ont donné
ce goût des voyages, mais elle n'est pas messagère, elle n'est
investie d'aucune mission. Ce n'est qu'une libertine, une libertaire,
une femme en fragmentions, toujours prête à tout remettre en
questions."
<LE
CORYPHÉE>
"Suivons
la gaiement. Elle n'a point de flûte dans sa poche. Ce n'est pas une
marchande d'illusions".
<LE
CHŒUR blanc>
"Mais
voici déjà des voix remplies de haine qui montent en puissance. Ce
n'étaient que murmures au début, mais à présent elles grondent,
terribles."
<LES
SECTAÏRES D' ORPHAM- le chœur noir>
"Laisserons
nous cette garce, cette petite femme intrépide s'immiscer dans notre
monde? Nous ne la voulons point. Elle ne cherche que l'aventure. Il
nous faut lui faire très peur pour qu'elle s'en aille et ne revienne
jamais."
<LES
PRÊTRESSES DE CALIS - le chœur noir>
"Voici
une intruse, une chienne lubrique, une dévergondée, une insoumise.
Elle n'obéit à personne. La laisserons nous découvrir tous nos
secrets? Il nous faut lui tendre un piège dont elle ne puisse se
défaire. Fabriquons une de nos maléfices pour la retenir
prisonnière, elle et son amant, dans ce monde où elle n'aurait
jamais du venir."
<SHEHERAZADE>
"Non,
Ali, ne reprenez pas encore de cette soupe si délicieuse, il est
temps de partir. Et puis cessez donc de regarder les jolies filles de
ce village. On dirait un mort de faim."
<ALI>
"Que
voulez vous Maîtresse, ici, elles ne portent pas le voile, leurs
jambes sont nues, et leurs bottes de cuir avec toutes ces pierres et
ces cordons de couleur sont très érotiques. Vous avez vu combien
leurs petits chapeaux sont amusants. Et leurs yeux, leurs sourires.
Elles sont saines et fort gaies, ma foi. Oui, j'avoue elles me
plaisent beaucoup ces filles."
<SHEHERAZADE>
"elles
sont vraiment adorables, mais partons, je vous prie. Payez au
Marchand son dû et partons, je suis toute excitée par ces voyages.
Vous avez toujours le tapis, j'espère. Veillez bien sur lui, il est
notre bien le plus précieux."
<ALI>
"Oh,
pas de risques qu'on me le vole, surtout ici, les gens ne semblent
attacher aucune importance à l'argent, au fait de posséder ou
d'accumuler des choses. Leur richesse c'est bien le bonheur qu'ils
portent sur eux. Combien nous devons, mon brave marchand pour cette
délicieuse soupe. Ma maîtresse veut que nous partions. Moi je
resterais bien pour finir toute la marmite, mais il me faut la
suivre."
<LE
MARCHAND>
"Mais
vous ne me devez rien rien voyons. Ici nous n'avons pas de monnaie.
Nous nous rendons des services suivant nos besoins. Moi je préfère
rester aux fourneaux. J'adore la cuisine. Les paysans m'apportent
leurs produits et je leur fait de bons repas. Ici, tout est à tout
le monde."
<ALI>
"Même
les femmes?"
<SHEHERAZADE>
"Pourriez
vous vous taire un peu, vous allez les gêner avec vos idées bien
polissonnes. "
<LE
MARCHAND>
"Pas
du tout, votre serviteur ne me gène en rien. Il aime la vie et les
belles femmes, cela se voit dans ses yeux. mais je lis aussi qu'il
n'a d'amour que pour vous. Il ne vous aime pas, il vous adore comme
si vous étiez une déesse."
<SHEHERAZADE>
"Oui,
je sais, il est collant parfois"
<ALI>
"Bon,
me voilà installé, maîtresse. Venez donc vous caler entre mes
genoux et partons puisque vous y tenez tant."
<SHEHERAZADE>
"Voilà,
nous montons déjà. Il me semble que je contrôle désormais aussi
bien ce tapis, que ce membre imposant que vous avez entre les jambes
et qui m'obéit à volonté depuis longtemps déjà. Bien, voilà la
montagne dont nous a parlée le marchand, là, sur la droite."
<ALI>
"oui,
je vois bien un petit lac cristallin, aux eaux si pures que l'on voit
d'ici les éclats d'argent des poissons. Et plus haut dans la
falaise, la fameuse grotte dont il nous a été dit qu'elle abritait
un vieux sage, un anachorète coupé du monde et de ses horreurs.
Vous la voyez , ma douce Maîtresse. Puis je vous embrasser la nuque
sans vous déconcentrer?"
<SHEHERAZADE>
"Oui,
nous y sommes. Je vais me poser devant l'entrée. Ohé, olla, il y a
quelqu’un par ici?"
<LE
VIEUX SAGE>
"Quoi
encore! Merde ! Encore une greluche et son bellâtre qui viennent me
déranger. Vous ne pourriez pas aller à Lassa, au Vatican ou à La
Mecque vous faire cuire un œuf? Je tiens à mon silence. Allez au
diable les grenouilles en mal de spiritualité."
<ALI>
"Veux
tu donc te taire, vieux fou. Tu t'adresse à une princesse de haut
rang à Bagdad et son époux pourrait te faire couper la tête pour
insolences."
<LE
VIEUX SAGE>
"Essaie
donc, fripouille, suborneur de jolies femmes, stupide amant esclave
de son sexe et qui n'a que sa semence à répandre devant les yeux."
<SHEHERAZADE>
"Laissez
donc là cette querelle qui me déplaît au plus haut point. Je ne
suis pas venue pour voir des coquelets s'affronter. Votre sagesse
vieil homme n'est elle donc qu'insultes jetées au vent?"
<LE
VIEUX SAGE>
"Il
n'est point de sagesse en ce monde. Partout ce n'est que mensonges et
hypocrisies. C'est bien pour cela que je préfère la compagnie des
aigles et des chocards à celle des hommes. Oui, vous m'importunez,
vous la greluche pomponnée, toujours prête à écarter les cuisses
devant votre amant que vous avez choisi stupide à souhait mais monté
comme un âne. Vous n'êtes qu'un puit de débauches à vous toute
seule."
<ALI>
"Olla,
du calme, vieil homme ou je te rosse sur le champ."
<SHEHERAZADE>
"Laissez
donc Ali, je vous est déjà dit d'abandonner toute colère. Laissons
ce vieux sage parler. N'a t'il pas raison? N'existe t'il pas un
proverbe persan qui dit que s'il faut dire la vérité, mieux vaut
acheter d'abord un bon cheval?"
ACTE
2
LES
NAUFRAGES D'ORMUZ
<ALI>
<SHEHERAZADE> <LE CHOEUR NOIR> <LE CHOEUR BLANC><LES
OISEAUX> <LES GRENOUILLES>
Shahrzad
et Ali font naufrage dans le détroit d'Ormuz
<ALI>
"Ah Maîtresse,
pourquoi donc m'avez vous demandé de vous faire l'amour sur ces
fortes vagues. Voilà qu'occupé à autre chose qu'aux gouvernes, une
forte lame a brisé notre petite felouque, et nous voici naufragés,
ballottés en tout sens."
<SHEHERAZADE>
"De quoi vous
plaignez vous, mon brave Ali. Ne sommes nous pas bien sur ce radeau
fait avec les planches du pont lorsqu'il s'est brisé? Allons, n'ayez
pas peur, vous savez qu'une bonne étoile me protège. Il plaît peut
être aux Dieux de nous indiquer une autre direction."
<ALI>
"Je déteste que
vous parliez des Dieux. Vous n'êtes qu'une païenne et moi je n'ai
qu'un seul Dieu: Allah, l'unique, le Grand, le miséricordieux. Je
déteste vous entendre blasphémer, mais voilà, je suis votre
esclave.
<SHEHERAZADE>
"Allons, mon brave
Ali, vous n'êtes esclave que du bonheur que vous avez d'être avec
moi et des plaisirs fous que vous prenez entre mes cuisses. Mon époux
n'est pas. Il ne peut donc vous faire couper la tête si vous
m'abandonniez."
<ALI>
"Oui, si au paradis
on me demandait de choisir entre les 72 vierges et l'enfer avec vous,
je crois bien que je préférerais encore l'enfer. Vous me rendez
fou."
<SHEHERAZADE>
"Allons cessez de me
casser les oreilles avec vos plaintes, mon brave. N'est ce pas la
terre que l'on voit là bas? Un courant ne nous mène t'il pas vers
elle? Vous voyez bien, les Dieux ont voulu que nous allions vers ce
rivage. Laissons les nous guider."
<ALI>
"Oui, c'est bien un
promontoire de roches que je vois. Espérons qu'après le naufrage
nous ne nous brisions pas contre elles. Espérons que nous ne
servirons pas non plus de pâture à ces squales qui nous tournent
autour depuis un moment."
<SHEHERAZADE>
"Laissez les donc
faire, mon tendre. Ce n'est pas tous les jours qu'ils peuvent voir de
si près une princesse de Bagdad, la cité aux coupoles d'or. Vous
lamenter sur un sort funeste ne sert jamais à rien. Cette vie n'est
pour moi que jeu et illusions. J'adore ce naufrage qui nous mène là
où nous ne pensions aller. Il n'en sortira que du bon, vous verrez."
<ALI>
"Puisse Allah le
grand vous entendre."
<LA SORCIERE SHAGOR -
LE CHŒUR
NOIR>
"Quoi, cette chienne
lubrique s'en sort encore. Elle me nargue même. J'enrage! Je la
maudis! La lame que j'ai déchaînée contre elle ne l'a pas
engloutie à jamais. Prend garde, sale garce ! Mon prochain maléfice
te sera fatal! "
<LES APOCALYPTIQUES DE
LOUKSAM - LE CHŒUR
NOIR>
"Voici que le monde
craque de toutes parts. Combien nos cœurs s'en réjouissent. Puisse
un tsunami géant faire disparaître cette ancienne terre et la laver
de ses pêcher. Regardez donc, cette femme adultère sur son radeau.
Elle trouve le moyen de sourire encore et de se moquer de nous."
<LES FORCES
OBSCURES><LE CHŒUR
NOIR> en opposition à un autre cœur, il faudrait
les séparer sur la scène, pour faire le contraste des cœurs entre
forces positives et forces maléfiques
" Soufflons sur ce
monde impur notre rage et toute notre haine. Soufflons sur ces hommes
maudits qui ne sont que mensonges, hypocrisie, prévarication,
adultères. Que pas un seul n'en réchappe. Envoyons les tous dans le
Chéol, là où les souffrances sont éternelles!"
<LE CHŒUR
BLANC> de l'autre coté de la scène, en
opposition au cœur noir, ...
"Laisserons nous la
belle Shéhérazade aux mains des forces maléfiques qui pullulent en
ce monde? N'interviendrons nous donc pas? Les dieux ont livré ce
monde au mal pour un temps. Il faut la laisser nous implorer. Ce sont
les ordres. Nous ne pouvons intervenir que sur des prières ou des
appels au secours. Laissons la donc se débrouiller seule, avec son
valeureux Ali, toujours prêt à la suivre. Mais observons avec
vigilance. Notre sublime petite princesse de Bagdad ne manque pas
d'armes pour se sortir des mauvais pas."
<SHEHERAZADE>
"Voilà, nous
touchons terre mon tendre Ali. Quelle plage magnifique, vous ne
trouvez pas?"
<ALI>
"Maîtresse, comment
pouvez vous avoir le cœur à rire? Nous ne savons pas où nous
sommes. Nous n'avons ni eau, ni nourriture, ni rien même, sauf ces
planches. Et puis, encore heureux que les requins n'ont fait que vous
dévorer des yeux."
<SHEHERAZADE>
"Et bien oui, nous
sommes des survivants! Et Alors? N'est-ce donc pas là, la preuve
que les Dieux nous protègent?"
<ALI>
"Oui, vous avez
raison, s'il faut mourir de soif ou de faim dans le terrible désert
de Gédrosie, que ce soit au moins avec le sourire."
<LA SORCIERE SHAGOR -
LE CHŒUR
NOIR>
"Ils me narguent,
ils me narguent, ces enflures, ces moins que rien, ces fornicateurs.
Qu'ils aillent donc baiser dans ce désert terrible, je les attend."
<ALI>
"Est-ce une
hallucination ou il m'a semblé entendre une voix? Déjà les djinns
ou les sorcières du désert? Vous avez entendu, maîtresse?"
<SHEHERAZADE>
"Oui, j'ai entendu
cette voix. On aurait dit une vieille folle. Il me semblait qu'elle
voulait t'éplucher la verge comme la peau sèche d'un serpent, ou
quelque chose de ce genre. Ce serait dommage, une si belle verge."
<ALI>
"Je préfère
retourner affronter les squales affamés sur les flots démontés que
de risquer de perdre cet attribut divin."
<SHEHERAZADE>
"Oui, mais vous y
trouveriez un avantage, celui d'une vie vertueuse qui vous ferait
gagner les 72 vierges promises dans votre paradis".
<ALI>
"Ne vous moquez pas
maîtresse, le désert est chose terrible sans eau. Et nous savons
même pas dans quelle direction aller. Ne devrions nous pas demander
un signe à Allah le Grand, pour nous protéger et nous guider?"
<SHEHERAZADE>
"Faites donc, mon
brave, si cela peut vous apporter quelque réconfort. Mais je propose
que nous cherchions d'abord de quoi manger. Sur cette plage ou ces
rochers, nous devrions trouver. Regardez, un crabe, là!"
<ALI>
"Vous voyez bien,
c'est Allah qui nous l'envoie. Et là, un autre, gros et gras à
souhaits. Il me reste mon briquet. Avec ces quelques planches je peux
vous préparer un festin de reine."
<SHEHERAZADE>
"Oui, cela me
convient, et ensuite nous ferons l'amour sous les étoiles. Autant
profiter de cette vie que les Dieux nous donnent, et moi de votre
verge avant qu'elle ne dessèche."
<LES FORCES OBSCURES -
LE CHŒUR
NOIR>
"Pourrons nous
tolérer encore longtemps ce couple qui se rie ainsi des signes que
nous envoyons. N'amenderont-ils jamais leur conduite. Ils nous faut
les engloutir et les obliger à nous servir. Ne sont-ils pas un
outrage à la morale?"
<ALI>
"Vous entendez
Maîtresse, on dirait l'orage au loin"
<LE CHŒUR
BLANC>
"Voici que le voile
se déchire. N'ont-ils pas compris le secret des masques?"
<SHEHERAZADE>
"Ces crabes étaient
délicieux, mon tendre Ali, je vous en remercie. Et si nous partions
dès à présent dans ce désert de Gédrosie que l'on dit si
terrible. Si nous profitions de la nuit et de sa fraîcheur pour
marcher. Nous dormirons le jour, là où nous trouverons quelque
ombre pour nous protéger du soleil et de ses ardeurs."
<ALI>
"Oui, je trouve que
c'est une bonne idée, mais suivons la côte. Au moins nous
trouverons toujours de quoi nous sustenter et nous ne risquons pas de
nous égarer. Allez, partons maîtresse. Le soleil est
bas désormais, l'air est
moins brûlant."
<LES FORCES OBSCURES -
LE CHŒUR
NOIR>
"Ah que n'ont-ils
péris avec leur insolence en traversant les flots houleux !"
<LES
OISEAUX>
"Notre petite
maîtresse nous manque tant! Voilà des mois qu'elle est partie avec
son fidèle Ali. Depuis, plus aucune nouvelle. Son époux, le Prince,
se meurt de chagrin. Il passe ses journées dans un profond
abattement, prostré. Les petites histoires de son épouse comblaient
ses nuits. Il n'en dort plus. Nous devrions partir nous aussi
explorer le monde, à sa recherche. Qui sait, peut être vit elle
encore, pirate sur une
île, esclave dans un harem, vendeuse d'opium en Chine, chasseuse
d'ours en Sibérie. Partons sans tarder, il n'est de lieu où nous ne
pourrions la trouver."
<LES
GRENOUILLES>
"croa, croa, que
nous sommes tristes. Notre charmante petite maîtresse n'est plus.
Croa, croa, qui d'autre pour la remplacer? plus personne hélas pour
venir nous causer pendant des heures sous la lune. Faisons passer le
message jusqu'aux grenouilles de Bashrah. Qui sait, peut être l'une
d'elles l'a aperçue. Croa, croa, croa".
ACTE
3
Le
Désert de Gédrosie
<SHEHERAZADE>
<ALI> <LES OISEAUX> <La Sorcière Shagor LE CHŒUR
NOIR> <LE CHŒUR
BLANC> <LE CORYPHEE>
Ali et
Shahrzad traversent à pied le terrible désert de Gédrosie.
<SHEHERAZADE>
"Je suis desséchée,
je me meurs. Depuis plus de 40 jours, nous errons dans ce désert
terrible. Ma langue est en feu. Je suis en proie aux visions."
<ALI>
"Moi aussi, ma douce
princesse, je suis en proie aux vertiges et aux hallucinations. Je
vois des Anges, des Démons, des djinns, des apparitions partout. Je
marche dans un état de rêve permanent. Allons nous mourir ma douce.
sommes nous déjà morts?".
<SHEHERAZADE>
"Ali, mon brave et
valeureux Ali, je sens que je me meurs."
<ALI>
"Mais non, mais non,
ma douce maîtresse, cela fait quarante jours que nous devrions être
mort. Alors nous tiendrons encore et encore dans ce désert de
Gédrosie. Mon cœur brûle désormais. Allah le Grand m'a imposé
cette épreuve avec vous. Mon cœur brûle et je sens que suis proche
de l'illumination."
<SHEHERAZADE>
"Je préférerais
que vous soyez près d'une belle source d'eau fraîche, avec une
grande vasque où je pourrais enfin prendre un bain."
<ALI>
"Douce Maîtresse,
j'ai peur. Voici que je suis sur un chemin avec une foule immense. Au
bout, une bifurcation et un Ange au regard blanc au milieu. Il envoie
tout le monde ou presque à gauche. Très, très peu prennent le
chemin de droite, ils se comptent sur les doigts de la main. Que dois
je donc faire, c'est bientôt mon tour."
<SHEHERAZADE>
"Dis lui ton nom !
Lorsque tu affronteras son regard blanc, dis lui simplement, je suis
Ali et vous me connaissez. Alors tu prendras le chemin de droite."
<ALI>
"Maîtresse, désolé
de vous quitter. Je sens que je meurs."
<SHEHERAZADE>
"Ne dis donc pas de
bêtises mon brave et valeureux compagnon. Voici que j'ai vu Le
Messie. Il est celui de tous les hommes. Il m'a donné à boire de
l'eau qui étanche toutes les soifs. Regarde, je danse encore sur ces
pierres brûlantes. Allons redresse toi. Voici qu'en son nom, je te
donne à boire de cette eau. Lèves toi donc, et reprenons notre
route."
<LES
OISEAUX>
"Voici notre
maîtresse bien aimée. C'est elle qui danse. C'est elle qui à
vaincu le terrible désert de Gédrosie".
<La Sorcière Shagor
LE CHŒUR
NOIR>
"Allez au diable
maudites volailles. Voici que je déchaîne contre vous le vent des
sables amers. Faites nous donc rire. Voyons comment vous survivrez à
cela."
<LES
OISEAUX>
"Nous n'y voyons
plus rien. Ce vent me griffe le bec et les ailes. Il faut nous mettre
à l'abri. Impossible de voler."
<LE CHŒUR
BLANC>
"Ne faut-il pas
aimer les animaux. ils le rendent sans compter, sans jamais la
moindre arrière pensée. Leur amour lorsqu'ils le donnent aux hommes
est toujours sincère. Voici que notre petite princesse prenait soin
des oiseaux de son jardin. Voici que ces mêmes oiseaux, en mal
d'amour, viennent à son secours. Ne faut il pas donner de l'amour,
encore et toujours, partout et à tous?"
<LE CORYPHEE>
"Au jeu des masques
ils ont voulu jouer. Mais la vie elle même n'est elle pas un jeux de
masques: hypocrisie, mensonges, duperies, lâchetés, faux semblant,
... Voici que le terrible désert de Gédrosie purifie leurs âmes et
les trempe sous le feu. Oui, ils vont vivre. Les oiseaux sont déjà
là."
<LES
OISEAUX>
"Regardez là bas,
dans les roches ocres, dans les brouillards de chaleur, ne serait-ce
pas un couple qui avance en titubant? Il nous a donc fallu venir
jusqu'ici, dans cet enfer, dans ce four.
Pourvu que nous ne
finissions pas en brochettes. Mais allons, courage, allons voir."
"Piouip, piouip,
piouip..."
<LE CORYPHEE>
"Voici que nos
héros, oui, ils le sont bien, vont sortir du désert avec des âmes
purifiées. Est ce un bien? N'est ce pas les projeter au contraire
vers des aventures plus terribles encore? Désormais, ils
savent voir les démons."
Acte
4
TEHERAN
<SHEHERAZADE>
<ALI> <Les Mollahs> La scène se passe devant la Grande
mosquée de Téhéran
"Vous avez vu, mon
cher Ali, toute cette foule qui se presse pour vous voir. Ils vous
acclament. Mais qui êtes vous donc devenu à leurs yeux?"
<ALI>
"Oui, mais regardez
bien, ce ne sont que des humains possédés par les démons. A
présent nous les voyons. Je n'aurais jamais cru que cela puisse
exister. Dans quel monde vivions nous avant cette aventure dans le
terrible désert de Gédrosie?"
<SHEHERAZADE>
"Moi aussi, je ne
savais pas que ce monde était en état de possession à ce point.
Nous avons vécu dans les illusions. Mais regardez comme ils vous
acclament. Ils jettent des fleurs ou des branches de palmes à notre
passage. Êtes vous devenu une sorte de Roi pour eux?"
<ALI>
"Je n'en sais rien,
et je me demande ce qui nous attend à Téhéran, où les Mollahs et
les puissants tiennent tant à nous recevoir."
<SHEHERAZADE>
"Mon cher et tendre
Ali, je me demande si je ne préférais pas la vie d'avant, l'époque
où nous aussi nous étions la proie des démons. Leur joug est-il si
pénible? Non, c'est même agréable les démons."
<ALI>
" Oui, je me
souviens aussi et je ne regrette rien de cette vie passée. Ici la
foule m'acclame, mais même si les cœurs semblent plus purs
qu'ailleurs dans ce pays, je me demande si ce n'est pas les démons
qui m'acclament. Ne nous ont-ils pas tendu un piège? Que leur
importe même que nous puissions les voir. regardez comme ils nous
narguent."
<Les Mollahs>
"Êtes vous Celui
que nous attentions ? Venez donc présider à notre prière."
<ALI>
" Je ne vois ici que
de bons musulmans. Que n'importe lequel d'entre vous préside, et je
prierai avec vous."
<Les Mollahs>
"Il est bien celui
que nous attendions"
ACTE V
Freuda
la grenouille savante de Bagdad
<Shéhérazade>
<Les servantes> <Une grenouille en retard> <Freuda>
La scène
se passe dans le jardin du Palais de Shahrzad à Bagdad.
<SHEHERAZADE>
"Je suis enfin
rentrée. Ali est resté à Téhéran, aux pays des mollahs, mais
moi, il me plait de retrouver mon époux, le Prince, mes jardins, mes
oiseaux et mes charmantes grenouilles près du bassin. Voyons,
voyons, sont-elles toujours là ? Bizarre, personne, pas un croa.
Mais où sont elles passées? Ohé, holla, Accourez servantes
fidèles. Où sont passées mes grenouilles ?"
<LES SERVANTES>
"Nous ne savons pas
maîtresse, cela fait des jours et des jours que nous ne les
entendons plus. Quelque maladie les a peut être frappées. Pourtant
nous avons souvent nettoyé leurs bassins."
<SHEHERAZADE>
"Croa, croa, où
êtes vous donc mes douces, mes mignonnes?"
<UNE GRENOUILLE EN
RETARD>
"Croa... ah c'est
vous maîtresse, excusez, je suis en retard. il faut vite que je
saute de nénuphar en nénuphar, je suis en grand retard."
<SHEHERAZADE>
"Mais où veux tu
donc aller? Les bassins ne sont ils pas assez agréables?"
<UNE GRENOUILLE EN
RETARD>
"Si, si maîtresse,
ils sont superbes, mais je ne veux pas manquer les cours de Freuda,
la grenouille savante."
<SHEHERAZADE>
"Suivons cette
grenouille si pressée, discrètement, ne nous faisons pas remarquer.
Je trouve fort amusant que mes grenouilles veulent toutes devenir
savantes. Mais pourquoi saute-elle donc si vite?. A voilà, elles
sont toutes là, dans le petit bassin du fond, sagement assises sur
de beaux nénuphars. Tiens là au milieu, une grenouille semble
croasser. ce doit être Freuda. Dissimulons nous derrière ces joncs
et écoutons là nous aussi, sans les déranger en rien."
<FREUDA>
" …/...vous êtes
mes amies. A vous je peux parler librement. Vous entendez ma voix.
Mes paroles sont douces. Ne sont elles pas comme une eau limpide.
Mais ne soyez pas des grenouilles lotophages.../..."
<LES GRENOUILLES>
"croa, croa"
<SHEHERAZADE>
"Ma foi, je trouve
cela fort intéressant. Cette Freuda semble être une grenouille
philosophe. Il me plaît de l'entendre."
<FREUDA>
"Qu'est donc ce
loto, cette brume qui endort vos esprits? N'est ce pas les illusions
de vos petites vies, dans un petit bassin entouré de hauts murs,
bien protégé. Ici vous ne craignez aucun prédateur, votre
nourriture est facile à trouver et vos vies sont agréables. N'est
ce pas là une forme de loto, cette drogue qui endort vos âmes?"
<SHEHERAZADE>
"Il me semble que
ces mots s'adressent à moi. Mais n'a t'elle pas un peu raison? Moi
j'étouffe vite lorsque je reste trop longtemps dans ce palais."
<FREUDA>
"Le loto est le
piège dont il est le plus difficile de sortir, celui des illusions
qui endorment. Si vous venez toutes m'écouter, n'est ce pas parce
que vous vous rendez compte que votre vie vaut bien mieux que cela.
Les dieux vous ont fait grenouilles dans cette vie. Mais qu'en sera
t'il après? Si vous avez mangé du loto, il vous en sera demandé
compte. Ne cédez donc pas aux illusions du monde."
<SHEHERAZADE>
"Me parle t'elle
encore? Cette Freuda me touche, mais laissons ces grenouilles causer.
Je ne voudrais pas les déranger par ma présence inopportune. Je
reviendrai voir Freuda seule pour m'entretenir avec elle."
<FREUDA>
"Quelle belle
journée ! Voici que je m'éveille doucement sous les rayons du
soleil. Combien cette vie est belle. Tiens voilà notre chère
Princesse."
<SHEHERAZADE>
"Bonjour Freuda, tu
as bien dormi sur ton nénuphar? Ce doit être bien confortable ce
lit sur un matelas d'eau tiède et limpide."
<FREUDA>
"Oui, je dors très
bien ici et je rêve beaucoup. Que me vaut le plaisir de votre
visite?"
<SHEHERAZADE>
"Hé bien je t'ai un
peu écouté hier soir et j'aimerais m'entretenir avec toi."
<FREUDA>
"Oui, je veux bien,
mais je suis docteur Freuda maintenant. Hier ce n'était qu'une
conférence publique, mais mes consultations sont payantes, même
pour vous Princesse. Il parait que je suis très chère."
<SHEHERAZADE>
"Oui, je comprend,
cela me semble fort juste. Quel est donc le tarif de tes honoraires?"
<FREUDA>
"3 mouches vertes
des marais ou bien une libellule fort grasse."
<SHEHERAZADE>
"C'est fort
raisonnable, mais je ne suis pas chasseuse de mouches. N'existe t'il
pas un autre moyen de paiement? Par exemple, je pourrais t'offrir un
autre nénuphar plus spacieux et des fleurs de lotus."
<FREUDA>
"Oui, cela ira. Bien
allongez vous sur cette herbe tendre, là sous cet arbre. Voilà, je
viens près de vous. Êtes vous bien installée? Oui, parfait alors.
Dites moi tout. Laissez vous aller. Laissez les mots venir."
<SHEHERAZADE>
"Hé bien, voilà,
depuis mon retour du désert de Gédrosie, et ce mal a frappé Ali,
mon cher Ali aussi, nous voyons des démons à l'intérieur de toutes
les personnes que nous rencontrons. Même mon époux, le Prince
généreux et aimant, je le prenais pour presque un saint tant il
était doux et prévenant envers moi. Il est lui aussi infesté de
démons! Je n'y comprend plus rien. Si je regarde bien, il est vrai
que mon époux est un tyran sur Bagdad, la ville aux coupoles d'or.
Peut être compense t'il son impotence au lit par des excès de
cruauté. Je n'en sais rien. Je ne m'occupe pas de ses affaires et
encore moins de politique. Ce n'est pas mon rôle. Mais force est de
constater que plus
je rencontre des hommes
importants dans cette pyramide du pouvoir où mon époux est tout en
haut et plus je vois de démons en eux. C'est finalement au Bazar,
chez les petites gens, les malheureux que j'en vois le moins. Pouvez
vous m'expliquer cela?
<FREUDA>
"Voyez vous des
démons en moi aussi?"
<SHEHERAZADE>
"Non, je n'en vois
aucun. Existe t'il des démons chez les grenouilles aussi?"
<FREUDA>
"Oui, ils sont
partout car ils n'ont pas de corps physique, mais peuvent en usurper
autant qu'ils veulent. Continuez, continuez ma douce princesse, ..."
<SHEHERAZADE>
" Je préférais
avant, lorsque je vivais dans un monde plus simple, où je ne voyais
pas les démons. J'étais plus sotte peut être, mais bien plus
heureuse. Voyez vous des entités maléfiques en moi, docteur ?"
<FREUDA>
"Oui, vous êtes
infestée, bien plus que vous croyez et même bien plus que vous ne
pouvez imaginer."
<SHEHERAZADE>
"Hé bien, moi qui
me croyait propre et pure, innocente, juste un peu trop aimante. Vous
me faites peur."
<FREUDA>
"Pour combattre les
démons ne faut-il pas d'abord apprendre à les connaitre. Vous les
voyez chez les autres et pas chez vous. Savez vous pourquoi?"
<SHEHERAZADE>
"Non, je l'ignore."
<FREUDA>
"Bien, bien, ce sera
tout pour aujourd'hui, il ne faut pas trop en faire. Vous êtes un
cas intéressant Princesse. Je suis heureuse d'avoir une patiente
aussi illustre."
<SHEHERAZADE>
"Et moi je me sens
en de bonnes mains, docteur Freuda."
(C)
Ivano Ghirardini, tous droits réservés, 2008