vendredi, juillet 19, 2013

SHAHRZAD JOUE ET GAGNE

« Existe t'il près d'ici quelque indigène habile à interpréter le chant des oiseaux? »
 (Eschyle, Les Suppliantes)










SHAHRZAD JOUE ET GAGNE







Pièce de Théâtre en V actes qui peut aussi se jouer sous forme d'une petite trilogie :

  1. VENEZ DONC FAIRE UN TOUR SUR MON TAPIS VOLANT
  2. LES NAUFRAGES D'ORMUZ
  3. LE DESERT DE GEDROSIE
  4. TEHERAN
  5. FREUDA, LAGRENOUILLE SAVANTE DE BAGDAD

(les actes 1, 2-3-4, 5 peuvent se jouer sous forme de trois petites pièces séparées)


(C) Ivano Ghirardini, tous droits réservés, 2008

ACTE I
VENEZ DONC FAIRE UN TOUR SUR MON TAPIS VOLANT
<SHEHERAZADE> <LE PRINCE> <ALI> <LE MARCHAND> <LE CHŒUR Blanc> <LE CORYPHÉE> < LE CHŒUR noir> <LE VIEUX SAGE>
Bagdad, Shahzad s'initie aux voyages en tapis volant et s'envole pour les hautes montagnes d'Iran...



<SHEHERAZADE>
"quoi, c'est donc là ce tapis merveilleux dont vous nous dites, mon prince, qu'il peut voler. Il ressemble plus à je ne sais quel paillasson pour chien devant une porte d'entrée qu'à un tapis volant. Vous moquez vous, mon cher?"

<LE PRINCE>
"Non, pas du tout, ma douce, ma très chère, pas du tout. Je l'ai acheté très cher à un Mage de Bagdad qui m'a assuré qu'il volait fort bien. Une pièce rare qui m'a coûté une fortune. Mais que ne ferais je pas pour vous faire plaisir. Vous savez combien je vous aime".

<SHEHERAZADE>
"Est ce moi que vous aimez tant, ou bien mes histoires dont vous ne pouvez vous passer, le soir, alors que votre tendre épouse dévouée aimerait bien autre chose de son époux."

<LE PRINCE>
"Oui, je sais, je suis devenu impotent avec l'âge, mais votre présence me comble de bonheur. Ne vous ai-je pas en plus offert Ali, pour me remplacer, là où je ne puis plus vous satisfaire. Tiens justement le voilà, ce fourbe, cette canaille qui vous plaît tant."

<ALI>
" Bonjour mon Prince et ma Maîtresse, quelle belle journée, vous ne trouvez pas?"

<SHEHERAZADE>
"justement mon cher Ali, nous parlions de toi. Le Prince vient de m'offrir ce cadeau inestimable, ce tapis que vous voyez ici, et dont on m'assure qu'il peut voler. Allons, partons l'essayer tout de suite. Allons raser les minarets de Bagdad et faire taire ce muezzin qui nous rompt les oreilles depuis ce matin avec son appel à je ne sais quelle prière.

<ALI>
"Vous ne devriez pas parler ainsi ma princesse, et puis tout compte fait, ce tapis ne me rassure pas du tout. Je crois que je devrais aller ratisser vos jardins".

<SHEHERAZADE>
"Vous saviez bien que mes ordres ne se discutent pas. Allons asseyez vous et taisez vous. bisous, mon Prince, et à ce soir. Je vous raconterais notre voyage."

<ALI> à mi voix pour lui même
"Ma maîtresse est folle. Mais elle est si belle. Où veut elle donc m'emmener cette fois. Espérons que nous n'allons pas nous fracasser sur le Bazar endormi".

<SHEHERAZADE>
"Comment faire décoller cette paillasse dont aucun chien ne voudrait. Tenez vous bien mon cher Ali. A mes hanches, pas à mes seins, pauvre idiot! On ne sait jamais, des fois que nous finissions dans les eaux froides du Tigre. Bon, si je me souviens, ce tapis devrait obéir à ma pensée. Voyons, voyons, où aller pour ce premier voyage ? Les montagnes d'Iran...oui, cela me semble bien. Peut être surprendrons nous quelque sage à qui nous pourrions demander notre route?"

<ALI>
"Mince, damnation, voici bien que nous montons dans les airs ! Aucun filet, aucune rembarre, je suis déjà mort de trouille. Et avec les cheveux de Shéhérazade qui volent en tout sens, je n'y vois rien."

<SHEHERAZADE>
"Pouvez vous vous taire un instant, et cesser de me serrer les hanches si fort, vous me déconcentrez. Voilà, ce tapis magique fait exactement ce que je veux. Il va bien là où mon esprit le désire. Accrochez vous, mon tendre Ali, il est temps d'accélérer si nous voulons être rentrés pour ce soir. "

<ALI>
" oui, c'est vraiment extraordinaire ! nous dominons le monde !"

<SHEHERAZADE>
" Il est dit dans les livres sacrés des Indes que pour atteindre la sagesse il faut que notre esprit soit comme l'aigle, qu'il puisse voler au dessus des cimes majestueuses de l'Himalaya."

<ALI>
"Maîtresse, ma douce princesse, si nous faisions une pose. Voyez vous ce petit village là bas, sur la droite, nous pourrions nous arrêter et nous sustenter un peu. Nous avons déjà fait un si long chemin."

<SHEHERAZADE>
"Oui, bonne idée, à force d'être assise sur ce tapis magique, j'éprouve le besoin de me dégourdir les jambes. Mais restons des visiteurs discrets et demandons aussi notre route. Voilà, je vais me poser un peu à l'écart. Nous ferons le reste à pieds."

<ALI>
"C'est vraiment magnifique par ici, les campagnes semblent bien entretenues, avec plein de petits canaux d'irrigation. Vous avez vu comme ces peupliers et ces abricotiers sont vigoureux. Les hommes doivent être sages et paisibles par ici."


<SHEHERAZADE>
"oui, j'adore cet endroit. L'air est si pur."


<ALI>
"Bonjour, pourrions nous boire un café dans votre échoppe?"

<LE MARCHAND>
"Non, mes braves visiteurs, mais un bol de soupe chaude avec du pain, cela oui. D'où venez vous donc. je ne vous ai jamais vu par ici."

<SHEHERAZADE>
"Nous venons du pays où tous les rêves sont permis"

<LE CHŒUR Blanc>
"Vers quelles aventures veut encore nous conduire la si belle et douce Shéhérazade, la femme aux fines chevilles aux pieds toujours dansants? Devons nous la suivre sans crainte? Les dieux lui ont donné ce goût des voyages, mais elle n'est pas messagère, elle n'est investie d'aucune mission. Ce n'est qu'une libertine, une libertaire, une femme en fragmentions, toujours prête à tout remettre en questions."

<LE CORYPHÉE>
"Suivons la gaiement. Elle n'a point de flûte dans sa poche. Ce n'est pas une marchande d'illusions".

<LE CHŒUR blanc>
"Mais voici déjà des voix remplies de haine qui montent en puissance. Ce n'étaient que murmures au début, mais à présent elles grondent, terribles."

<LES SECTAÏRES D' ORPHAM- le chœur noir>
"Laisserons nous cette garce, cette petite femme intrépide s'immiscer dans notre monde? Nous ne la voulons point. Elle ne cherche que l'aventure. Il nous faut lui faire très peur pour qu'elle s'en aille et ne revienne jamais."

<LES PRÊTRESSES DE CALIS - le chœur noir>
"Voici une intruse, une chienne lubrique, une dévergondée, une insoumise. Elle n'obéit à personne. La laisserons nous découvrir tous nos secrets? Il nous faut lui tendre un piège dont elle ne puisse se défaire. Fabriquons une de nos maléfices pour la retenir prisonnière, elle et son amant, dans ce monde où elle n'aurait jamais du venir."

<SHEHERAZADE>
"Non, Ali, ne reprenez pas encore de cette soupe si délicieuse, il est temps de partir. Et puis cessez donc de regarder les jolies filles de ce village. On dirait un mort de faim."

<ALI>
"Que voulez vous Maîtresse, ici, elles ne portent pas le voile, leurs jambes sont nues, et leurs bottes de cuir avec toutes ces pierres et ces cordons de couleur sont très érotiques. Vous avez vu combien leurs petits chapeaux sont amusants. Et leurs yeux, leurs sourires. Elles sont saines et fort gaies, ma foi. Oui, j'avoue elles me plaisent beaucoup ces filles."

<SHEHERAZADE>
"elles sont vraiment adorables, mais partons, je vous prie. Payez au Marchand son dû et partons, je suis toute excitée par ces voyages. Vous avez toujours le tapis, j'espère. Veillez bien sur lui, il est notre bien le plus précieux."



<ALI>
"Oh, pas de risques qu'on me le vole, surtout ici, les gens ne semblent attacher aucune importance à l'argent, au fait de posséder ou d'accumuler des choses. Leur richesse c'est bien le bonheur qu'ils portent sur eux. Combien nous devons, mon brave marchand pour cette délicieuse soupe. Ma maîtresse veut que nous partions. Moi je resterais bien pour finir toute la marmite, mais il me faut la suivre."

<LE MARCHAND>
"Mais vous ne me devez rien rien voyons. Ici nous n'avons pas de monnaie. Nous nous rendons des services suivant nos besoins. Moi je préfère rester aux fourneaux. J'adore la cuisine. Les paysans m'apportent leurs produits et je leur fait de bons repas. Ici, tout est à tout le monde."

<ALI>
"Même les femmes?"

<SHEHERAZADE>
"Pourriez vous vous taire un peu, vous allez les gêner avec vos idées bien polissonnes. "

<LE MARCHAND>
"Pas du tout, votre serviteur ne me gène en rien. Il aime la vie et les belles femmes, cela se voit dans ses yeux. mais je lis aussi qu'il n'a d'amour que pour vous. Il ne vous aime pas, il vous adore comme si vous étiez une déesse."

<SHEHERAZADE>
"Oui, je sais, il est collant parfois"

<ALI>
"Bon, me voilà installé, maîtresse. Venez donc vous caler entre mes genoux et partons puisque vous y tenez tant."

<SHEHERAZADE>
"Voilà, nous montons déjà. Il me semble que je contrôle désormais aussi bien ce tapis, que ce membre imposant que vous avez entre les jambes et qui m'obéit à volonté depuis longtemps déjà. Bien, voilà la montagne dont nous a parlée le marchand, là, sur la droite."

<ALI>
"oui, je vois bien un petit lac cristallin, aux eaux si pures que l'on voit d'ici les éclats d'argent des poissons. Et plus haut dans la falaise, la fameuse grotte dont il nous a été dit qu'elle abritait un vieux sage, un anachorète coupé du monde et de ses horreurs. Vous la voyez , ma douce Maîtresse. Puis je vous embrasser la nuque sans vous déconcentrer?"

<SHEHERAZADE>
"Oui, nous y sommes. Je vais me poser devant l'entrée. Ohé, olla, il y a quelqu’un par ici?"

<LE VIEUX SAGE>
"Quoi encore! Merde ! Encore une greluche et son bellâtre qui viennent me déranger. Vous ne pourriez pas aller à Lassa, au Vatican ou à La Mecque vous faire cuire un œuf? Je tiens à mon silence. Allez au diable les grenouilles en mal de spiritualité."




<ALI>
"Veux tu donc te taire, vieux fou. Tu t'adresse à une princesse de haut rang à Bagdad et son époux pourrait te faire couper la tête pour insolences."

<LE VIEUX SAGE>
"Essaie donc, fripouille, suborneur de jolies femmes, stupide amant esclave de son sexe et qui n'a que sa semence à répandre devant les yeux."

<SHEHERAZADE>
"Laissez donc là cette querelle qui me déplaît au plus haut point. Je ne suis pas venue pour voir des coquelets s'affronter. Votre sagesse vieil homme n'est elle donc qu'insultes jetées au vent?"

<LE VIEUX SAGE>
"Il n'est point de sagesse en ce monde. Partout ce n'est que mensonges et hypocrisies. C'est bien pour cela que je préfère la compagnie des aigles et des chocards à celle des hommes. Oui, vous m'importunez, vous la greluche pomponnée, toujours prête à écarter les cuisses devant votre amant que vous avez choisi stupide à souhait mais monté comme un âne. Vous n'êtes qu'un puit de débauches à vous toute seule."

<ALI>
"Olla, du calme, vieil homme ou je te rosse sur le champ."

<SHEHERAZADE>
"Laissez donc Ali, je vous est déjà dit d'abandonner toute colère. Laissons ce vieux sage parler. N'a t'il pas raison? N'existe t'il pas un proverbe persan qui dit que s'il faut dire la vérité, mieux vaut acheter d'abord un bon cheval?"























ACTE 2
LES NAUFRAGES D'ORMUZ
<ALI> <SHEHERAZADE> <LE CHOEUR NOIR> <LE CHOEUR BLANC><LES OISEAUX> <LES GRENOUILLES>
Shahrzad et Ali font naufrage dans le détroit d'Ormuz


<ALI>
"Ah Maîtresse, pourquoi donc m'avez vous demandé de vous faire l'amour sur ces fortes vagues. Voilà qu'occupé à autre chose qu'aux gouvernes, une forte lame a brisé notre petite felouque, et nous voici naufragés, ballottés en tout sens."

<SHEHERAZADE>
"De quoi vous plaignez vous, mon brave Ali. Ne sommes nous pas bien sur ce radeau fait avec les planches du pont lorsqu'il s'est brisé? Allons, n'ayez pas peur, vous savez qu'une bonne étoile me protège. Il plaît peut être aux Dieux de nous indiquer une autre direction."

<ALI>
"Je déteste que vous parliez des Dieux. Vous n'êtes qu'une païenne et moi je n'ai qu'un seul Dieu: Allah, l'unique, le Grand, le miséricordieux. Je déteste vous entendre blasphémer, mais voilà, je suis votre esclave.

<SHEHERAZADE>
"Allons, mon brave Ali, vous n'êtes esclave que du bonheur que vous avez d'être avec moi et des plaisirs fous que vous prenez entre mes cuisses. Mon époux n'est pas. Il ne peut donc vous faire couper la tête si vous m'abandonniez."

<ALI>
"Oui, si au paradis on me demandait de choisir entre les 72 vierges et l'enfer avec vous, je crois bien que je préférerais encore l'enfer. Vous me rendez fou."

<SHEHERAZADE>
"Allons cessez de me casser les oreilles avec vos plaintes, mon brave. N'est ce pas la terre que l'on voit là bas? Un courant ne nous mène t'il pas vers elle? Vous voyez bien, les Dieux ont voulu que nous allions vers ce rivage. Laissons les nous guider."
<ALI>
"Oui, c'est bien un promontoire de roches que je vois. Espérons qu'après le naufrage nous ne nous brisions pas contre elles. Espérons que nous ne servirons pas non plus de pâture à ces squales qui nous tournent autour depuis un moment."


<SHEHERAZADE>
"Laissez les donc faire, mon tendre. Ce n'est pas tous les jours qu'ils peuvent voir de si près une princesse de Bagdad, la cité aux coupoles d'or. Vous lamenter sur un sort funeste ne sert jamais à rien. Cette vie n'est pour moi que jeu et illusions. J'adore ce naufrage qui nous mène là où nous ne pensions aller. Il n'en sortira que du bon, vous verrez."

<ALI>
"Puisse Allah le grand vous entendre."

<LA SORCIERE SHAGOR - LE CHŒUR NOIR>
"Quoi, cette chienne lubrique s'en sort encore. Elle me nargue même. J'enrage! Je la maudis! La lame que j'ai déchaînée contre elle ne l'a pas engloutie à jamais. Prend garde, sale garce ! Mon prochain maléfice te sera fatal! "

<LES APOCALYPTIQUES DE LOUKSAM - LE CHŒUR NOIR>
"Voici que le monde craque de toutes parts. Combien nos cœurs s'en réjouissent. Puisse un tsunami géant faire disparaître cette ancienne terre et la laver de ses pêcher. Regardez donc, cette femme adultère sur son radeau. Elle trouve le moyen de sourire encore et de se moquer de nous."

<LES FORCES OBSCURES><LE CHŒUR NOIR> en opposition à un autre cœur, il faudrait les séparer sur la scène, pour faire le contraste des cœurs entre forces positives et forces maléfiques

" Soufflons sur ce monde impur notre rage et toute notre haine. Soufflons sur ces hommes maudits qui ne sont que mensonges, hypocrisie, prévarication, adultères. Que pas un seul n'en réchappe. Envoyons les tous dans le Chéol, là où les souffrances sont éternelles!"

<LE CHŒUR BLANC> de l'autre coté de la scène, en opposition au cœur noir, ...
"Laisserons nous la belle Shéhérazade aux mains des forces maléfiques qui pullulent en ce monde? N'interviendrons nous donc pas? Les dieux ont livré ce monde au mal pour un temps. Il faut la laisser nous implorer. Ce sont les ordres. Nous ne pouvons intervenir que sur des prières ou des appels au secours. Laissons la donc se débrouiller seule, avec son valeureux Ali, toujours prêt à la suivre. Mais observons avec vigilance. Notre sublime petite princesse de Bagdad ne manque pas d'armes pour se sortir des mauvais pas."

<SHEHERAZADE>
"Voilà, nous touchons terre mon tendre Ali. Quelle plage magnifique, vous ne trouvez pas?"


<ALI>
"Maîtresse, comment pouvez vous avoir le cœur à rire? Nous ne savons pas où nous sommes. Nous n'avons ni eau, ni nourriture, ni rien même, sauf ces planches. Et puis, encore heureux que les requins n'ont fait que vous dévorer des yeux."

<SHEHERAZADE>
"Et bien oui, nous sommes des survivants! Et Alors? N'est-ce donc pas là, la preuve que les Dieux nous protègent?"

<ALI>
"Oui, vous avez raison, s'il faut mourir de soif ou de faim dans le terrible désert de Gédrosie, que ce soit au moins avec le sourire."

<LA SORCIERE SHAGOR - LE CHŒUR NOIR>
"Ils me narguent, ils me narguent, ces enflures, ces moins que rien, ces fornicateurs. Qu'ils aillent donc baiser dans ce désert terrible, je les attend."

<ALI>
"Est-ce une hallucination ou il m'a semblé entendre une voix? Déjà les djinns ou les sorcières du désert? Vous avez entendu, maîtresse?"

<SHEHERAZADE>
"Oui, j'ai entendu cette voix. On aurait dit une vieille folle. Il me semblait qu'elle voulait t'éplucher la verge comme la peau sèche d'un serpent, ou quelque chose de ce genre. Ce serait dommage, une si belle verge."

<ALI>
"Je préfère retourner affronter les squales affamés sur les flots démontés que de risquer de perdre cet attribut divin."

<SHEHERAZADE>
"Oui, mais vous y trouveriez un avantage, celui d'une vie vertueuse qui vous ferait gagner les 72 vierges promises dans votre paradis".

<ALI>
"Ne vous moquez pas maîtresse, le désert est chose terrible sans eau. Et nous savons même pas dans quelle direction aller. Ne devrions nous pas demander un signe à Allah le Grand, pour nous protéger et nous guider?"

<SHEHERAZADE>
"Faites donc, mon brave, si cela peut vous apporter quelque réconfort. Mais je propose que nous cherchions d'abord de quoi manger. Sur cette plage ou ces rochers, nous devrions trouver. Regardez, un crabe, là!"

<ALI>
"Vous voyez bien, c'est Allah qui nous l'envoie. Et là, un autre, gros et gras à souhaits. Il me reste mon briquet. Avec ces quelques planches je peux vous préparer un festin de reine."


<SHEHERAZADE>
"Oui, cela me convient, et ensuite nous ferons l'amour sous les étoiles. Autant profiter de cette vie que les Dieux nous donnent, et moi de votre verge avant qu'elle ne dessèche."

<LES FORCES OBSCURES - LE CHŒUR NOIR>
"Pourrons nous tolérer encore longtemps ce couple qui se rie ainsi des signes que nous envoyons. N'amenderont-ils jamais leur conduite. Ils nous faut les engloutir et les obliger à nous servir. Ne sont-ils pas un outrage à la morale?"

<ALI>
"Vous entendez Maîtresse, on dirait l'orage au loin"

<LE CHŒUR BLANC>
"Voici que le voile se déchire. N'ont-ils pas compris le secret des masques?"

<SHEHERAZADE>
"Ces crabes étaient délicieux, mon tendre Ali, je vous en remercie. Et si nous partions dès à présent dans ce désert de Gédrosie que l'on dit si terrible. Si nous profitions de la nuit et de sa fraîcheur pour marcher. Nous dormirons le jour, là où nous trouverons quelque ombre pour nous protéger du soleil et de ses ardeurs."

<ALI>
"Oui, je trouve que c'est une bonne idée, mais suivons la côte. Au moins nous trouverons toujours de quoi nous sustenter et nous ne risquons pas de nous égarer. Allez, partons maîtresse. Le soleil est
bas désormais, l'air est moins brûlant."

<LES FORCES OBSCURES - LE CHŒUR NOIR>
"Ah que n'ont-ils péris avec leur insolence en traversant les flots houleux !"

<LES OISEAUX>
"Notre petite maîtresse nous manque tant! Voilà des mois qu'elle est partie avec son fidèle Ali. Depuis, plus aucune nouvelle. Son époux, le Prince, se meurt de chagrin. Il passe ses journées dans un profond abattement, prostré. Les petites histoires de son épouse comblaient ses nuits. Il n'en dort plus. Nous devrions partir nous aussi explorer le monde, à sa recherche. Qui sait, peut être vit elle
encore, pirate sur une île, esclave dans un harem, vendeuse d'opium en Chine, chasseuse d'ours en Sibérie. Partons sans tarder, il n'est de lieu où nous ne pourrions la trouver."

<LES GRENOUILLES>
"croa, croa, que nous sommes tristes. Notre charmante petite maîtresse n'est plus. Croa, croa, qui d'autre pour la remplacer? plus personne hélas pour venir nous causer pendant des heures sous la lune. Faisons passer le message jusqu'aux grenouilles de Bashrah. Qui sait, peut être l'une d'elles l'a aperçue. Croa, croa, croa".













ACTE 3
Le Désert de Gédrosie
<SHEHERAZADE> <ALI> <LES OISEAUX> <La Sorcière Shagor LE CHŒUR NOIR> <LE CHŒUR BLANC> <LE CORYPHEE>
Ali et Shahrzad traversent à pied le terrible désert de Gédrosie.

<SHEHERAZADE>
"Je suis desséchée, je me meurs. Depuis plus de 40 jours, nous errons dans ce désert terrible. Ma langue est en feu. Je suis en proie aux visions."

<ALI>
"Moi aussi, ma douce princesse, je suis en proie aux vertiges et aux hallucinations. Je vois des Anges, des Démons, des djinns, des apparitions partout. Je marche dans un état de rêve permanent. Allons nous mourir ma douce. sommes nous déjà morts?".

<SHEHERAZADE>
"Ali, mon brave et valeureux Ali, je sens que je me meurs."

<ALI>
"Mais non, mais non, ma douce maîtresse, cela fait quarante jours que nous devrions être mort. Alors nous tiendrons encore et encore dans ce désert de Gédrosie. Mon cœur brûle désormais. Allah le Grand m'a imposé cette épreuve avec vous. Mon cœur brûle et je sens que suis proche de l'illumination."

<SHEHERAZADE>
"Je préférerais que vous soyez près d'une belle source d'eau fraîche, avec une grande vasque où je pourrais enfin prendre un bain."

<ALI>
"Douce Maîtresse, j'ai peur. Voici que je suis sur un chemin avec une foule immense. Au bout, une bifurcation et un Ange au regard blanc au milieu. Il envoie tout le monde ou presque à gauche. Très, très peu prennent le chemin de droite, ils se comptent sur les doigts de la main. Que dois je donc faire, c'est bientôt mon tour."


<SHEHERAZADE>
"Dis lui ton nom ! Lorsque tu affronteras son regard blanc, dis lui simplement, je suis Ali et vous me connaissez. Alors tu prendras le chemin de droite."



<ALI>
"Maîtresse, désolé de vous quitter. Je sens que je meurs."

<SHEHERAZADE>
"Ne dis donc pas de bêtises mon brave et valeureux compagnon. Voici que j'ai vu Le Messie. Il est celui de tous les hommes. Il m'a donné à boire de l'eau qui étanche toutes les soifs. Regarde, je danse encore sur ces pierres brûlantes. Allons redresse toi. Voici qu'en son nom, je te donne à boire de cette eau. Lèves toi donc, et reprenons notre route."

<LES OISEAUX>
"Voici notre maîtresse bien aimée. C'est elle qui danse. C'est elle qui à vaincu le terrible désert de Gédrosie".

<La Sorcière Shagor LE CHŒUR NOIR>
"Allez au diable maudites volailles. Voici que je déchaîne contre vous le vent des sables amers. Faites nous donc rire. Voyons comment vous survivrez à cela."

<LES OISEAUX>
"Nous n'y voyons plus rien. Ce vent me griffe le bec et les ailes. Il faut nous mettre à l'abri. Impossible de voler."

<LE CHŒUR BLANC>
"Ne faut-il pas aimer les animaux. ils le rendent sans compter, sans jamais la moindre arrière pensée. Leur amour lorsqu'ils le donnent aux hommes est toujours sincère. Voici que notre petite princesse prenait soin des oiseaux de son jardin. Voici que ces mêmes oiseaux, en mal d'amour, viennent à son secours. Ne faut il pas donner de l'amour, encore et toujours, partout et à tous?"

<LE CORYPHEE>
"Au jeu des masques ils ont voulu jouer. Mais la vie elle même n'est elle pas un jeux de masques: hypocrisie, mensonges, duperies, lâchetés, faux semblant, ... Voici que le terrible désert de Gédrosie purifie leurs âmes et les trempe sous le feu. Oui, ils vont vivre. Les oiseaux sont déjà là."

<LES OISEAUX>
"Regardez là bas, dans les roches ocres, dans les brouillards de chaleur, ne serait-ce pas un couple qui avance en titubant? Il nous a donc fallu venir jusqu'ici, dans cet enfer, dans ce four.
Pourvu que nous ne finissions pas en brochettes. Mais allons, courage, allons voir."
"Piouip, piouip, piouip..."


<LE CORYPHEE>
"Voici que nos héros, oui, ils le sont bien, vont sortir du désert avec des âmes purifiées. Est ce un bien? N'est ce pas les projeter au contraire vers des aventures plus terribles encore? Désormais, ils
savent voir les démons."









Acte 4
TEHERAN
<SHEHERAZADE> <ALI> <Les Mollahs> La scène se passe devant la Grande mosquée de Téhéran

<SHEHERAZADE>
"Vous avez vu, mon cher Ali, toute cette foule qui se presse pour vous voir. Ils vous acclament. Mais qui êtes vous donc devenu à leurs yeux?"

<ALI>
"Oui, mais regardez bien, ce ne sont que des humains possédés par les démons. A présent nous les voyons. Je n'aurais jamais cru que cela puisse exister. Dans quel monde vivions nous avant cette aventure dans le terrible désert de Gédrosie?"

<SHEHERAZADE>
"Moi aussi, je ne savais pas que ce monde était en état de possession à ce point. Nous avons vécu dans les illusions. Mais regardez comme ils vous acclament. Ils jettent des fleurs ou des branches de palmes à notre passage. Êtes vous devenu une sorte de Roi pour eux?"

<ALI>
"Je n'en sais rien, et je me demande ce qui nous attend à Téhéran, où les Mollahs et les puissants tiennent tant à nous recevoir."

<SHEHERAZADE>
"Mon cher et tendre Ali, je me demande si je ne préférais pas la vie d'avant, l'époque où nous aussi nous étions la proie des démons. Leur joug est-il si pénible? Non, c'est même agréable les démons."

<ALI>
" Oui, je me souviens aussi et je ne regrette rien de cette vie passée. Ici la foule m'acclame, mais même si les cœurs semblent plus purs qu'ailleurs dans ce pays, je me demande si ce n'est pas les démons qui m'acclament. Ne nous ont-ils pas tendu un piège? Que leur importe même que nous puissions les voir. regardez comme ils nous narguent."

<Les Mollahs>
"Êtes vous Celui que nous attentions ? Venez donc présider à notre prière."

<ALI>
" Je ne vois ici que de bons musulmans. Que n'importe lequel d'entre vous préside, et je prierai avec vous."

<Les Mollahs>
"Il est bien celui que nous attendions"


ACTE V
Freuda la grenouille savante de Bagdad
<Shéhérazade> <Les servantes> <Une grenouille en retard> <Freuda>
La scène se passe dans le jardin du Palais de Shahrzad à Bagdad.



<SHEHERAZADE>
"Je suis enfin rentrée. Ali est resté à Téhéran, aux pays des mollahs, mais moi, il me plait de retrouver mon époux, le Prince, mes jardins, mes oiseaux et mes charmantes grenouilles près du bassin. Voyons, voyons, sont-elles toujours là ? Bizarre, personne, pas un croa. Mais où sont elles passées? Ohé, holla, Accourez servantes fidèles. Où sont passées mes grenouilles ?"

<LES SERVANTES>
"Nous ne savons pas maîtresse, cela fait des jours et des jours que nous ne les entendons plus. Quelque maladie les a peut être frappées. Pourtant nous avons souvent nettoyé leurs bassins."

<SHEHERAZADE>
"Croa, croa, où êtes vous donc mes douces, mes mignonnes?"

<UNE GRENOUILLE EN RETARD>
"Croa... ah c'est vous maîtresse, excusez, je suis en retard. il faut vite que je saute de nénuphar en nénuphar, je suis en grand retard."

<SHEHERAZADE>
"Mais où veux tu donc aller? Les bassins ne sont ils pas assez agréables?"

<UNE GRENOUILLE EN RETARD>
"Si, si maîtresse, ils sont superbes, mais je ne veux pas manquer les cours de Freuda, la grenouille savante."




<SHEHERAZADE>
"Suivons cette grenouille si pressée, discrètement, ne nous faisons pas remarquer. Je trouve fort amusant que mes grenouilles veulent toutes devenir savantes. Mais pourquoi saute-elle donc si vite?. A voilà, elles sont toutes là, dans le petit bassin du fond, sagement assises sur de beaux nénuphars. Tiens là au milieu, une grenouille semble croasser. ce doit être Freuda. Dissimulons nous derrière ces joncs et écoutons là nous aussi, sans les déranger en rien."

<FREUDA>
" …/...vous êtes mes amies. A vous je peux parler librement. Vous entendez ma voix. Mes paroles sont douces. Ne sont elles pas comme une eau limpide. Mais ne soyez pas des grenouilles lotophages.../..."


<LES GRENOUILLES>
"croa, croa"

<SHEHERAZADE>
"Ma foi, je trouve cela fort intéressant. Cette Freuda semble être une grenouille philosophe. Il me plaît de l'entendre."

<FREUDA>
"Qu'est donc ce loto, cette brume qui endort vos esprits? N'est ce pas les illusions de vos petites vies, dans un petit bassin entouré de hauts murs, bien protégé. Ici vous ne craignez aucun prédateur, votre nourriture est facile à trouver et vos vies sont agréables. N'est ce pas là une forme de loto, cette drogue qui endort vos âmes?"

<SHEHERAZADE>
"Il me semble que ces mots s'adressent à moi. Mais n'a t'elle pas un peu raison? Moi j'étouffe vite lorsque je reste trop longtemps dans ce palais."

<FREUDA>
"Le loto est le piège dont il est le plus difficile de sortir, celui des illusions qui endorment. Si vous venez toutes m'écouter, n'est ce pas parce que vous vous rendez compte que votre vie vaut bien mieux que cela. Les dieux vous ont fait grenouilles dans cette vie. Mais qu'en sera t'il après? Si vous avez mangé du loto, il vous en sera demandé compte. Ne cédez donc pas aux illusions du monde."

<SHEHERAZADE>
"Me parle t'elle encore? Cette Freuda me touche, mais laissons ces grenouilles causer. Je ne voudrais pas les déranger par ma présence inopportune. Je reviendrai voir Freuda seule pour m'entretenir avec elle."

<FREUDA>
"Quelle belle journée ! Voici que je m'éveille doucement sous les rayons du soleil. Combien cette vie est belle. Tiens voilà notre chère Princesse."

<SHEHERAZADE>
"Bonjour Freuda, tu as bien dormi sur ton nénuphar? Ce doit être bien confortable ce lit sur un matelas d'eau tiède et limpide."

<FREUDA>
"Oui, je dors très bien ici et je rêve beaucoup. Que me vaut le plaisir de votre visite?"

<SHEHERAZADE>
"Hé bien je t'ai un peu écouté hier soir et j'aimerais m'entretenir avec toi."

<FREUDA>
"Oui, je veux bien, mais je suis docteur Freuda maintenant. Hier ce n'était qu'une conférence publique, mais mes consultations sont payantes, même pour vous Princesse. Il parait que je suis très chère."

<SHEHERAZADE>
"Oui, je comprend, cela me semble fort juste. Quel est donc le tarif de tes honoraires?"

<FREUDA>
"3 mouches vertes des marais ou bien une libellule fort grasse."

<SHEHERAZADE>
"C'est fort raisonnable, mais je ne suis pas chasseuse de mouches. N'existe t'il pas un autre moyen de paiement? Par exemple, je pourrais t'offrir un autre nénuphar plus spacieux et des fleurs de lotus."

<FREUDA>
"Oui, cela ira. Bien allongez vous sur cette herbe tendre, là sous cet arbre. Voilà, je viens près de vous. Êtes vous bien installée? Oui, parfait alors. Dites moi tout. Laissez vous aller. Laissez les mots venir."

<SHEHERAZADE>
"Hé bien, voilà, depuis mon retour du désert de Gédrosie, et ce mal a frappé Ali, mon cher Ali aussi, nous voyons des démons à l'intérieur de toutes les personnes que nous rencontrons. Même mon époux, le Prince généreux et aimant, je le prenais pour presque un saint tant il était doux et prévenant envers moi. Il est lui aussi infesté de démons! Je n'y comprend plus rien. Si je regarde bien, il est vrai que mon époux est un tyran sur Bagdad, la ville aux coupoles d'or. Peut être compense t'il son impotence au lit par des excès de cruauté. Je n'en sais rien. Je ne m'occupe pas de ses affaires et encore moins de politique. Ce n'est pas mon rôle. Mais force est de constater que plus
je rencontre des hommes importants dans cette pyramide du pouvoir où mon époux est tout en haut et plus je vois de démons en eux. C'est finalement au Bazar, chez les petites gens, les malheureux que j'en vois le moins. Pouvez vous m'expliquer cela?

<FREUDA>
"Voyez vous des démons en moi aussi?"

<SHEHERAZADE>
"Non, je n'en vois aucun. Existe t'il des démons chez les grenouilles aussi?"

<FREUDA>
"Oui, ils sont partout car ils n'ont pas de corps physique, mais peuvent en usurper autant qu'ils veulent. Continuez, continuez ma douce princesse, ..."


<SHEHERAZADE>
" Je préférais avant, lorsque je vivais dans un monde plus simple, où je ne voyais pas les démons. J'étais plus sotte peut être, mais bien plus heureuse. Voyez vous des entités maléfiques en moi, docteur ?"

<FREUDA>
"Oui, vous êtes infestée, bien plus que vous croyez et même bien plus que vous ne pouvez imaginer."



<SHEHERAZADE>
"Hé bien, moi qui me croyait propre et pure, innocente, juste un peu trop aimante. Vous me faites peur."

<FREUDA>
"Pour combattre les démons ne faut-il pas d'abord apprendre à les connaitre. Vous les voyez chez les autres et pas chez vous. Savez vous pourquoi?"

<SHEHERAZADE>
"Non, je l'ignore."

<FREUDA>
"Bien, bien, ce sera tout pour aujourd'hui, il ne faut pas trop en faire. Vous êtes un cas intéressant Princesse. Je suis heureuse d'avoir une patiente aussi illustre."

<SHEHERAZADE>
"Et moi je me sens en de bonnes mains, docteur Freuda."














(C) Ivano Ghirardini, tous droits réservés, 2008